La France a maintes fois affiché sa singularité dans l’application du règlement européen n°1223/2009, comme si elle préparait un “Frexit” cosmétique.
Déjà en 2013, au moment du basculement vers le règlement européen, la France avait maintenu sa disposition nationale de la Déclaration d’Etablissement, en invoquant le considérant n° 56, qui stipule que le règlement européen ne porte pas atteinte aux possibilités de règlementations nationales.
Deux plus tard, la France persistait avec le décret n°2015-1417 instaurant une nouvelle contrainte dans la Déclaration d’Etablissement : la citation nominative du ou des responsables de l’évaluation de la sécurité des cosmétiques de l’établissement.
Un arrêté du 30 novembre 2016 récidivait avec l’obligation de données complémentaires : les autres activités de l’établissement, la fabrication ou le conditionnement de produits destinés aux enfants de moins de 3 ans, l’effectif, les plans des locaux et les volumes d’activité. On peut observer que le simple respect des BPF, Bonnes Pratiques de Fabrication, répond aux deux premières préoccupations et que les trois autres entrent dans les missions d’inspection, notamment des DDPP.
Dans le cadre du même considérant n°56, la France avait pris le 25 février 2015 un arrêté dont la rédaction ambigüe ouvre aux inspecteurs en charge de son application, la possibilité de restreindre la liste européenne des qualifications des évaluateurs de la sécurité, et notamment d’exclure de nombreux médecins. Un recours a été déposé par la FEBEA devant le Conseil d’Etat.
Bref, sous l’emprise de l’arrogante haute fonction publique française, nous étions manifestement sur la voie d’un “Frexit” cosmétique, une sinistre perspective pour les entreprises françaises de cosmétique, quelle que soit leur taille.
Un espoir d’inversion de la tendance est né en juillet 2017, quand dans le cadre d’un programme d’allègement des contraintes administratives qui pénalisent l’activité économique en France, le Premier Ministre a annoncé que :
– une vigilance particulière sera portée à la transposition des directives européennes,
– toute mesure allant au delà des exigences minimales du droit européen sera en principe proscrite,
– une mission d’inspection aura prochainement à charge d’identifier toutes les surtranspositions,
– les surtranspositions injustifiées feront l’objet d’un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l’Union européenne.
Ce n’était qu’un espoir, et nous comptions sur la Febea, sur Cosmed, sur Cosmetics Europe – syndicat européen des industries de la cosmétique, né en 2012 de l’élargissement du Colipa – et sur vous tous, pour qu’il se réalise, et le plus vite possible, que nous échappions définitivement à la tentative isolationniste type Brexit et à ses dangereux mirages*.
Hélas, le 20 mars 2019, le Frexit cosmétique a resurgi à propos du phénoxyéthanol, un conservateur que l’ANSM avait depuis longtemps dans le collimateur. Une décision de police sanitaire vient d’imposer aux fabricants de cosmétiques non rincés contenant du phénoxyéthanol l’étiquetage de l’interdiction d’application sur le siège des enfants de moins de trois ans. L’industrie cosmétique s’est indignée de la décision, à la fois non conforme au règlement européen, scientifiquement discutable – le SCCS** est là pour ça – incohérente, inutile, et en plus difficile à mettre en application dans le délai de neuf mois imparti.
Que ceux qui avaient encore des doutes comprennent pourquoi, suite au Brexit imposant le transfert de l’Agence Européenne du Médicament implantée à Londres, seuls les français ont voté pour sa réimplantation en France. Les Pays-Bas qui ont été choisis pour l’accueillir doivent lui garantir un fonctionnement plus démocratique.
Nous vous invitons à soutenir toutes les luttes contre les discriminations nationales qui nous pénalisent.
PS : Critiques, propositions de corrections et toutes autres observations sont bienvenues pour améliorer cet article en partage.
* La jeune britannique qui s’opposait en juin 2016 au Brexit proclamait que ce qui unit les hommes est immense et merveilleux et que ce qui les sépare est petit et médiocre. Merci à cette enfant anonyme, ainsi qu’à l’auteur également anonyme du cliché diffusé ici sans donc son accord.
* * Scientific Committee on Consumer Safety, comité scientifique indépendant conseillant la commission européenne pour la santé et la protection du consommateur.